Un chef d’œuvre de František KUPKA, en vente aux enchères à Rennes
Le cheval blanc, la chapelle Sainte-Anne devant la mer, Trégastel, 1909
Un cheval blanc passe au galop devant une chapelle bretonne au crépuscule. À l’horizon, une fine bande turquoise évoque la mer non loin sur la côte. Ce cheval passe devant la chapelle Sainte-Anne à Trégastel, où l’artiste a séjourné régulièrement depuis 1896. Les paysages solitaires et la nature sauvage qu’il y découvre le reposent et l’inspirent.
Notre tableau est composé d’une grande diagonale formée par le mur de la chapelle et le chemin. Le cheval blanc suit la route et son ombre portée est projetée sur le muret, de même que l’ombre du calvaire se retrouve placée, fort symboliquement, sur la façade en pierre de la chapelle.
La partie droite du tableau est occupée par l’édifice religieux. L’ensemble est scandé par plusieurs éléments verticaux qui rythment et dynamisent la composition : calvaire, portail, faîtage, ombre de la croix, jambes du cheval…
Kupka est connu pour être un excellent dessinateur. Sans surprise sa touche est habile, l’exécution du cheval est très libre et le rendu de son allure virtuose. Le tout est réalisé spontanément, on ne discerne aucun repentir.
La palette est caractérisée par les tonalités de jaune, de rouge et de bleu relevées du vert caractéristique de l’artiste. Ce sont les mêmes harmonies colorées qu’une œuvre emblématique telle que le Grand Nu, Plans par couleurs peint en 1909 (The Solomon R. Guggenheim, New York), détail en bas à droite. Les camaïeux de jaune des pierres de la chapelle et du muret sont ceux du tableau intitulé La Gamme jaune (Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris) peint en 1907, détail en haut à droite.
Cette cohérence dans la palette de Kupka s’explique par ses recherches actives sur la couleur et sa force expressive symbolique, engendrée par les réflexions de Goethe et les recherches de Chevreul.
Le début des années 1900 est une période d’influences croisées pour l’artiste qui explore et assimile l’art nouveau, le fauvisme et l’expressionnisme, sur un fond d’inspiration symbolique et mystique. La diversité des œuvres des années 1905-1910 démontre qu’au fil des influences et de ses recherches, d’apparences chaotiques, Kupka suivait un cheminement personnel cohérent. Notre peinture de 1909 n’échappe pas à cette logique, et présente des analogies avec les créations majeures de cette période, à l’issue de laquelle l’artiste bascule dans l’abstraction.
Les deux représentations majeures du tableau sont le cheval et la chapelle, éléments à la symbolique forte. Le cheval est un sujet récurrent dans la période symbolique de Kupka, emblématique d’une autre œuvre inspirée par un séjour breton de l’artiste vers 1901- 1902 : Epona-Ballade, Les Joies (Narodni galerie, Prague) qui représente deux femmes nues chevauchant sur une plage. Présent dans de nombreux contes et légendes traditionnels, aussi bien bretons que slaves, il symbolise le mouvement, la vie, la liberté et la sensualité.
L’ombre portée du cheval blanc évoque la fin du jour, mais son étirement apporte une note irréelle et le transforme en créature fantastique.
La chapelle est bien évidemment un symbole religieux. Telle qu’elle est représentée par l’artiste, elle évoque plutôt un refuge. L’accentuation de la forme triangulaire de sa façade en fait un contrepoint stable à la fugue du cheval. Le traitement des blocs de pierre en camaïeu de jaune magnifie le muret et la chapelle. Symboliquement, le jaune est une couleur solaire, source de vie et rassurante, une couleur très importante dans l’œuvre de Kupka.
La charmante petite chapelle de Trégastel est ainsi transformée, sous le pinceau de Kupka, en une icône mystique ornée de l’ombre du
calvaire.
Le spectateur est face à un choix : se diriger vers la tranquillité de la chapelle ou suivre le cheval blanc dans son échappée.